Avec cette Grande Sonate pour piano en mi op.63 de Vincent d’Indy, le pianiste Jean-Pierre Armengaud apporte une fois encore sa pierre au répertoire pour piano de la musique française qu’il sert avec dévouement et talent depuis de nombreuses années.
Inutile de présenter le pianiste Jean-Pierre Armengaud reconnu pour son expertise et sa copieuse discographie consacrée à la musique française. En revanche sans doute est-il nécessaire d’évoquer plus longuement cette Sonate en mi de Vincent d’Indy, pièce rare autant que méconnue. Composée en 1907, de proportion considérable (presque 45 minutes…) elle fut dédiée à la pianiste Blanche Selva qui en donna la première audition le 25 janvier 1908. Depuis cette date, seuls trois enregistrements sont répertoriés à ce jour : Michael Schäfer / Genuin ; Marie- Catherine Girod / Danacord ; Catherine Joly/ Cybelia.
Monumentale, complexe par la multiplication et l’agencement des thèmes, on lui distingue trois mouvements enchaînés, le premier dans une forme de variations, un scherzo central et un final de forme sonate. A la croisée des chemins, entre tradition et modernité, l’auditeur aguerri pourra peut-être y ressentir des influences multiples évoquant Wagner, Beethoven, Schumann, Schubert ou encore Liszt, sans oublier Fauré pour l’harmonie et Ravel pour le rythme…Excusez du peu ! De façon plus immédiate, cette Sonate séduit par son climat très intériorisé peuplé de couleurs, de « charmantes caresses » et d’évocations quasi impressionnistes qui tranchent avec l’image habituellement véhiculée par le compositeur…
D’un point de vue interprétatif, comment ne pas être séduit par la subtilité du toucher, l’élégance, la délicatesse, la virtuosité et la fluidité du jeu de Jean-Pierre Armengaud qui maîtrise admirablement cet univers tourmenté où il est sans cesse nécessaire de rassembler tout ce qui est épars dans un tout cohérent, dans un respect de la grande forme, sans que couleurs, évocations ou climats n’en pâtissent…Du grand art avec lequel il sert également quelques extraits des Tableaux de voyage, comme autant de réminiscences des nombreux périples que Vincent d’Indy effectua en Allemagne du temps de sa « Wagnermania ».
Un disque admirable autant que rare, indispensable à toute discothèque. © 2019 ResMusica.com

L’unique Sonate pour piano de D’Indy, créée en 1908, propose un ample triptyque de près de quarante minutes où se rassemblent les influences de Beethoven pour la solidité de la construction, de Schumann pour l’expression de la sensibilité personnelle, de Liszt pour le caractère rhapsodique à l’intérieur d’une forme très pensée, du dernier Wagner pour le chromatisme éperdu et de Franck pour la noblesse de l’expression. On pardonnera au premier auditeur venu de se sentir intimidé, voire décontenancé, par un monument aussi complexe, mais il sera aidé par l’éditeur, qui a eu la bonne idée de découper l’oeuvre en vingt-trois plages afin d’en clarifier le discours.
On comprendra donc que la discographie soit plutôt maigre, quoique de haut niveau, avec les versions de Catherine Joly (la première, jamais ressortie en CD, Cybélia), de Marie-Catherine Girod (Solstice), de Diane Andersen (Talent) et de Michael Schäfer (BR). Jean-Pierre Armengaud, qui a si bien réussi Louis Aubert, Satie et Roussel, s’attaque à ce sommet avec humilité et sans emphase. Il travaille soigneusement le son, explique avec délicatesse et légèreté les formes complexes, de sorte que l’on évolue dans un long bain sonore tourmenté mais assez voluptueux.
D’Indy était à la fois très intellectuel et extraordinairement sensuel. On retrouve ce caractère dans sept des treize Tableaux de voyage (1889), cartes postales d’Allemagne d’un subtil romantisme tardif. © 2019 Classica